Boukhara, à l’instar de Samarcande, était aussi un carrefour de routes commerciales. Traversant les déserts du Kizil-Koum, du kara-Koum ou les chaînes du Pamir, marchands et pèlerins de Chine, d'Inde, de Russie et d'Iran s'organisaient en caravanes afin de mieux résister à l'assaut des pillards et des tempêtes. De nuit, ils étaient guidés par le minaret Kaliyan, construit au XIIe s. Un phare salvateur, de 47 mètres de haut, duquel étaient aussi jetés les condamnés à mort, enfermés dans des sacs en toile. Moins salissant murmurait l'émir de Boukhara… Boukhara « ville interdite » comme on la surnommait alors, affirma jusqu’au milieu du XIXe siècle, sa sainte horreur des étrangers. Ces derniers devaient posséder l’art du déguisement, mêlé au don des langues et à l'opiniâtreté savante des poètes-espions pour pénétrer dans la ville puis déambuler hors des caravansérails. Ces bâtiments composés généralement de deux niveaux - au premier étage l’appartement des marchands ; au sous-sol et rez-de-chaussée les lieux de stockage et de vente des marchandises - assuraient l’hébergement des caravanes sur les routes de la soie.

Parmi ses marchands-voyageurs se  trouvaient d’extraordinaires aventuriers : comme ce savoyard travesti en molla tatar, Desmaisons ou ce Hongrois, Vambéry, déguisé en derviche parlant turc, tchagatay, persan, arabe et allant jusqu’à se confronter avec des mollas boukhares pour faire l’exégèse de préceptes religieux ! Dieu sait, si les prisons étaient nombreuses au nord de la forteresse (ark) de Boukhara où l’on gavait dit-on les punaises de viande crue pour leur faire aimer la chair humaine. Maintes fois détruite et reconstruite, les derniers vestiges de la forteresse témoignent des khanats ouzbeks qui se succédèrent jusqu’au début du XXème siècle. Boukhara, al-Sherif, la Noble, l'ensorceleuse, la mystique où dit-on “ la lumière ne descend pas du ciel mais y monte ” devint la ville des saints et des soufis et d’un nombre exceptionnel de mausolées. Parmi ceux-ci, le complexe de Baha ad-Din Naqchband, auquel rendit hommage Vambéry et où encore, la religiosité des Ouzbeks peut s’exprimer par la circumambulation autour du mûrier sacré. Il faut passer sept fois sous l’arbre à soie, un bâton planté par le Saint, rapporte la légende, pour s’attirer ses grâces. Gages de chance ou de fertilité, ces pratiques sont très proches des croyances populaires. Une tradition condamnée par les mouvements intégristes wahhabites importés d’Arabie Saoudite ou du Pakistan, très présents dans la vallée du Ferghana (ils rejettent le culte des saints et des tombeaux). “ Boukhara était une grande ville universitaire musulmane, comme la Sorbonne dans le monde chrétien ” précise Thierry Zarcone.

Elle possédait l’une des plus riches bibliothèques du monde musulman. Grand centre d’étude de la langue arabe et de la littérature persane sous la dynastie des Samanides (Xè) avec pour témoin, non des moindres, Ibn Sina, plus connu sous le nom d’Avicenne (980-1037). Les traités de ce médecin et philosophe formèrent longtemps la base des études médicales tant en Orient qu’en Occident. Le mausolée de Ismail Samani, fondateur de la dynastie des Samanides est d’ailleurs le plus vieux monument de Boukhara. “ Fameuse Boukhara aux cent cinquante mille habitants, ville des cigognes, tour de la science musulmane, force de l'Islam où les étudiants venus de partout se réunissaient au nombre de vingt mille dans tes cinquante médressés, qu'es-tu devenue ? ” écrit Ella Maillart (Des monts célestes aux sables rouges, Payot, 1990). Situé entre la madrasa et l’un des principaux khanaqas de la ville Nadir Divan Begi, le bassin (entouré, dit-on de mûriers, du XVe siècle et toujours coiffé de nids de cigognes) était le réservoir général de la ville autant qu'un puits de vie sociale et de “ sociabili-thé ”. Les tchaïkhana, ou maisons de thé traditionnelles, sont encore articulées autour des shorpai - ces divans-tables ouzbeks. “ Le thé, rappelle Thierry Zarcone, avait l'immense avantage, puisqu'il était pris chaud, de protéger les hommes contre la richta, un ver quasi-invisible dissimulé dans les eaux insalubres de l'oasis et dans les fruits. ”

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